Moka taste on a late night break [Libre]

MOKA TASTE ON A LATE NIGHT BREAK LIBRE

JENS WEINGARTEN

- LE NAZI, LE NAZI... MÊME PAS FOUTUS DE SE RAPPELLER DE MON NOM...

La soirée avait été longue. Entre deux clients qui lui avaient servi leurs éternelles blagues sur les nazis et la nouvelle serveuse qui avait envoyé valser deux bouteilles pleines de whisky sur le plancher, Jens n'avait pas su où donner de la tête. Comme à tous les jeudis soirs, le bar avait été rempli à craquer par une bande de saoulards échaudés par l'alcool et par la présence de la gent féminine. En plus, il avait dû partir dans une bagnole totalement pourrie à la supérette du coin pour récupérer une caisse de Tru:Blood à minuit moins le quart pour une bande de vampiresses qui lui faisaient de l'oeil d'une façon un peu trop choquante à son goût. Le bar s'était finalement vidé vers les trois heures et il avait été forcé de fermer seul. Résultat : il s'était évertué jusqu'à trois heures et demie à faire disparaître les taches de bière sur le comptoir, avait dû ramasser tous les cadavres de bouteilles qui jonchaient la piste de danse et était tombé dans les toilettes sur une vampire qui l'avait attendu là toute la soirée pour le draguer. Finalement, elle s'était jetée sur lui et il ne savait dire si elle l'avait embrassé où si elle avait tenté de lui bouffer la bouche.

Quoiqu'il en soit, il pouvait maintenant décompresser un peu de sa soirée et il avait donc décidé de se rendre au Starbuck's pour boire un bon café glacé. La chaleur à l'extérieur était caniculaire et, au Merlotte's, ç'avait été encore pire. Le jeune Allemand accueilli donc l'idée d'un café glacé avec joie. Il se précipita donc dans sa voiture pour rouler jusqu'au restaurant et entra, un air soulagé accroché à sa bouille d'ange. Heureusement pour lui, le Starbuck's était peu achalandé dans les environs de quatre heures du matin et il pourrait boire son breuvage en toute tranquillité parmi les habitués de la place. Il se rendit jusqu'au comptoir pour commander son habituel moka glacé sans crème fouettée et se trouva une table, bien reculée des autres pour méditer.

Le liquide froid se fraya un chemin rapidement jusqu'à son estomac et il sentait la morsure du froid à l'intérieur de son corps. Sa peau se couvrit en un instant de sueurs froides : la fraîcheur avait contrasté trop rapidement avec la chaleur ambiante, lui laissant une impression de fièvre qui montait en lui. Il se cala profondément dans son siège et soupira. Ses mains lui avait démangé toute la soirée. Il avait dû changer ses pansements deux fois. Avoir les deux mains brûlées au troisième degré n'était pas la pire torture qui soit, mais c'était plutôt dérangeant dans la vie de tous les jours. Ainsi, il fallait faire attention de ne porter que des gilets longs pour empêcher les gens de voir ses blessures, il devait également refaire ses bandages à chaque fois qu'il mettait les mains dans l'eau où qu'il prennait sa douche. C'était chiant, tout simplement. Et puis, il ne voulait pas non plus qu'on le prenne en pitié et qu'on l'empêche de faire certaines tâches. Il était capable de tout faire seul... sauf jouer du piano. C'était sa plus grande déception, le loisir qui lui manquait le plus. Sans ses brulûres, il aurait pu faire le Conservatoire et faire une brillante carrière dans la musique, mais depuis qu'il était handicapé par ses blessures, il avait de la difficulté à faire ses notes parfaitement, ce qui le frustrait à chaque fois.

Lorsqu'il termina son café, il ne quitta pas l'établissement comme à son habitude. Il lui semblait que la pression et l'agitation qui avaient peuplé sa soirée n'étaient pas complètement disparues. Il renouvella donc sa commande et se réinstalla à sa table. Il était habitué à se coucher à l'aube et il savait pertinemment que la nuit regorgeait d'action et de surprises. Et puis, il ne se sentait pas encore fatigué et il lui restait encore beaucoup de réserves d'énergie... Il allait donc les épuiser sur place où attendre qu'il se passe quelque chose. Oui, il allait attendre. Il se cala dans son siège, passa ses bras derrière sa tête et appuya celle-ci dessus. Il poussa un profond soupir. La fatalité l'avait dans l'oeil, ne restait plus qu'à attendre qu'elle opère..encore une fois.

D’une main délicate, la jeune blonde retira derrière une oreille la mèche dorée qui lui barrait le visage. Le vent soufflait dans ses boucles, les rendant d’autant plus indomptables que d’accoutumée. Mais le vent fouettant le visage de la jeune conductrice semblait lui être agréable. Et, il n’y avait sans nul doute rien de plus vrai. Angie venait de faire la tournée des bars –nombreux – de la ville avec Eden et des amis pour fêter son retour quelque peu prématuré d’Europe. Elle devait, initialement, y passer l’été, comme tous les ans depuis qu’elle avait cinq ans. Cette année néanmoins sa mère l’avait expressément fait rentrer, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Son professeur particulier était un monstre et le mot « vacances » devait lui être complètement inconnu.

-Je te dépose ici ma Belle.
- Merci, Angie !

Boucle d’or observa sa meilleure amie quitter sa voiture, titubant maladroitement jusqu’au portail de sa résidence. Elle avait visiblement un peu trop bu. Inquiète pour son amie de toujours, la jeune blonde sortit de voiture et d’une main ferme rattrapa Eden qu’elle raccompagna jusqu’à sa porte.

- Dors bien ! Quoi que dans ton état, je ne doute pas que tu dormes comme un gros bébé ! s’exclama Angie avec douceur et une pointe d’ironie au bout de sa phrase.

Une ombre passa devant la porte vitrée. La jeune étudiante se raidit. A cette heure-ci, la probabilité que ce fût Gabriel était grande. Elle n’avait cependant aucune envie de le croiser et si elle avait pu s’épargner la rencontre de son ombre, elle l'aurait sans nul doute fait. Eden lui marmonna un « Merci. » et pénétra sa demeure, prenant soin de fermer la porte derrière elle.
Angie ne se fit pas prier pour quitter la résidence des Nielson. Il ne lui plaisait guère de savoir en ces murs la présence d’un vampire – tout aussi pacifiste fut-ce celui-ci ! D’ailleurs, elle aurait préféré qu’il ne le fût pas. Ainsi, jamais le doute n’aurait germé dans son esprit et le tuer n’en aurait été que plus légitime. D’un pas pressé, la jeune femme remonta l’allée et rejoignit sa voiture. Déjà, elle s’y sentait mieux. Plus en sécurité. Mettant le contact, elle alluma sa radio et laissa les mélodies envahirent son esprit.

Après avoir raccompagné chacun de ses fêtards d’amis en complet état d’ébriété, elle n’avait pu se résoudre à rentrer chez elle. Elle se sentait l’envie de continuer sa soirée quoiqu’elle fût à présent seule. Dans le petit habitacle confiné, la voix de l’adolescente se mêlait à la musique diffusée à la radio. Son attention ne quittait pourtant pas la route. Quittant des paysages champêtres pour retrouver les mille lueurs de la ville. A cette heure-ci, l’on risquait plus rencontrer un vampire qu’un humain. Tant pis. Elle n’était pas fatiguée, ne s'étant encore habituée au changement d'horaire. Elle venait à peine de rentrer. Pourtant, sa journée aurait dû l’épuiser. Suite à un petit repas en famille -en la compagnie rarissime de son père et de sa mère - , elle avait quitté sa villa pour fêter son retour avec ses amis. Elle avait, certes, dormi durant plus de la moitié du voyage, mais cela n’expliquait pas tout. Traversant en toute tranquillité la ville, elle se parqua à côté de la gare.

L'adolescente jeta un coup d'œil à sa montre. Il était trois heure et demi du matin. D'un pas élégant, elle s'engagea dans les ruelles sombres, éclairées par des lampadaires et la lune, un charmant faisceau d'agate azure. Impossible de distinguer les étoiles dans ce ciel citadin. Seules les étoiles artificielles, pâles illusions que les scintillements de la ville nocturne, pouvaient et savaient émerveiller le touriste. De-ci, de-là, des rires légers, des voix et le vrombissement des quelques voitures circulant encore se laissaient entendre. L'air était chaud, presque trop chaud, mais la brise légère rafraichissante. Délicieuse. Chaque son vibrait en elle. La chaleur ambiante la ranimait plus qu'elle ne l'étouffait. Ainsi était la ville qu'elle connaissait depuis l'enfance. Caniculaire, bruyante et vivante. Quoique bien plus en pleine journée qu'à cette heure tardive pour qui n'avait encore trouvé le sommeil ou matinale pour qui devait s'éveiller. Elle retrouvait les magasins qu'elle « visitait » régulièrement avec un petit sourire en coin. Son regard chercha dans la pénombre le Starbucks coffee. Elle retrouva la devanture du café de l'autre côté de la chaussée.

L'établissement était accueillant. Une atmosphère douillette et familière y régnait. L'arôme des grains moulus se mélangeait avec celles des quelques viennoiseries restantes. Devant le comptoir, elle commanda un chocolat viennois. Une petite gourmandise du matin. Lorsqu'elle fût servie, elle jeta un regard circulaire au café. Son regard rencontra avec surprise celui du barman du Merlotte's. Elle lui fit un petit signe de la main et s'approcha de sa table.

« Puis-je ? »demanda-t-elle en désignant la place qui lui faisait face.