Sort de son trou [libre]

Les nuits de Edward sont loin d'être aussi animés que dans le bon vieux temps. A l'époque où il était un vampire sanguinaire, il se levait de son cercueil pour se mettre en quête d'une jeune fille, si possible encore vierge, entourée d'une famille aimante, ayant des prétendants à pertes de vue, mais il savait alors qu'il serait le seul qu'elle désirait dès qu'elle le verrait. Il avait toujours eut ce charme fou qui opérait avec facilité chez les jeunes filles qui n'avaient pas encore connu l'amour. A l'époque, il ne ressentait nul remords, nul inquiétude ne venait troubler son sommeil, et ses chasses lui semblaient toujours si amusante. Quelle tristesse, à présent il se contenait d'une bouteille de True Blood en guise de petit déjeuné, et sortait uniquement pour se changer les idées. Il ne traquait plus d'humains ou presque, une fois par mois grand maximum, et c'était devenu l'événement pour lui. Les autres nuits semblaient bien fade en comparaison de ce qu'il ressentait avant d'avoir connu Lizbeth.

Cette vampire avait changé son éternité. En mieux, c'était pas sûr. Lorsqu'il l'avait rencontré, il était immédiatement tombé amoureux. Il lui fallait la connaître, la séduire et la posséder. Sur le moment, il pensait que lorsqu'il aurait bu de son sang sa fascination disparaîtrait. Au lieu de cela, il l'avait transformé en vampire. Il y avait un "je-ne-sais-quoi" en elle qui l'avait poussé à faire cela. Peut-être était-ce parce que sa vie semblait si vide et si difficile à affronter, peut-être était-ce parce qu'il avait entendu son cri de désespoir lancé au travers de la ville. Elle avait souhaité la mort, et c'était lui qui était venu. La tuer aurait été insuffisant, il lui fallait l'avoir. Il avait voulu l'avoir pour compagne et l'avait transformé, par caprice, comme toujours. A cette époque, il agissait toujours sous le coup d'un caprice. Aujourd'hui les choses semblaient tellement différentes. Il savait qu'il n'aurait jamais dû la transformer en vampire. Elle aurait été plus heureuse et lui aussi. Il se serait contenté de l'aimer à distance, peut-être aurait-il partagé sa couche, aurait bu quelques gouttes de son sang, lui aurait redonné goût à la vie, et lorsque la passion de cet amour se serait éteint dans les yeux de l'humaine ou lorsqu'il aurait paru trop jeune, il aurait disparu. Oui, tout aurait été plus simple s'il n'avait pas céder à son caprice, s'il ne l'avait pas transformé en vampire.

Parce qu'elle l'avait quitté avec leur enfant, même si c'était une enfant adopté, que lui seul l'avait transformé, ils l'avaient tous les deux aimé avec tendresse, parce qu'elle n'avait jamais redonné de nouvelle, parce qu'il l'aimait encore, il ressentait toujours cette peine et cette souffrance. Le plus terrible lorsqu'on a la vie éternelle, c'est que les sentiments les plus forts ne disparaissent pas avec le temps. Chez Edward, c'était ça le plus cruel, il ne pouvait oublier sa souffrance et cependant il la ressentait plus cruellement encore parce qu'il était un vampire. Il avait beau prendre de la coke pour tenter de noyer son esprit dans la drogue, ça ne changeait rien. Il avait également tenté de massacrer des humains en grand nombre, de se nourrir jusqu'à en avoir mal, ça n'avait rien changé du tout. Au contraire, la souffrance en avait été plus forte encore. Alors, alors il avait abandonné ses vieilles habitudes, il ne buvait plus de sang humain, du moins pas d'innocents car arrêter totalement le sang humain n'était pas possible, il y avait trop prit goût durant de longues années. Alors, il essayait de changer, en espérant la revoir, en espérant qu'elle verrait à quel point il avait changé, juste pour elle, et qu'elle reviendrait.

Cela faisait tant d'années, qu'il avait cessé d'espéré à présent. Mais il continuait à boire le sang animal, à prendre du True Blood, à se comporter plus gentiment avec les humains, tout en se maudissant de sa faiblesse, de souffrir autant, il aimerait tant redevenir le vampire qu'il était. Ce démon superbe qui dévorait le monde. Quand cette douleur disparaîtrait? Il l'ignorait, alors il se baladait en ville, il traquait les meurtriers pour les tuer, il buvait du True Blood et se rendait au Fangtasia pour prouver à tous les vampires qu'il était là quand même, qu'il tenait le coup et qu'il les emmerdait tous! Qu'ils viennent donc le provoquer, il n'attendait que ça. Une bonne bagarre! Il s'était déjà battu contre des vampires et avait aimé ça. Se battre contre des humains n'avait aucun intérêt en revanche contre des vampires... mais ce soir, l'ambiance n'était pas à la bagarre. Une humaine se colla à lui. Une de ces fans de vampires. Elle l'aguichait, lui montrait sa nuque tout en le collant, en ondulant son corps contre le sien. Son sourire ravageur en aurait sans doute fait tomber plus d'un dans un bar rempli d'humains, mais pas ici. Les fans de vampires, les mordus, n'attirait aucun vampire. C'était comme des encas, on pouvait boire tranquillement à leur gorge sans rien risquer, mais c'était fade. Une victime volontaire n'attirait aucun vampire. Et certainement pas Edward qui la repoussa gentiment. Il aurait pu être plus violent, mais étant donné qu'il avait prit un peu de coke afin de tenir le coup, il contrôlait moins sa force. Maudite drogue, douce consolation, elle lui faisait oublier durant quelques instants sa peine, calmait sa soif, et lui permettait de tenir debout même s'il aurait dû partir en chasse.

Il lui fallait atteindre le bar. Une autre mordu accrochée à lui, et peut-être bien qu'il se servirait. Malheureusement les mordus attendent bien plus qu'une simple prise de sang, ils veulent qu'un vampire leur fasse l'amour, c'est ça leur but ramener chez eux un vampire et faire l'amour avec lui, certains espèrent même pouvoir boire un peu du sang du vampire, histoire de vraiment s'amuser. Edward n'avait pas envie de ça. Il n'avait plus séduit de femmes humaines depuis longtemps, à chaque fois, aussi séduisante et plaisante soit-elle, la femme finissait par le lasser. C'était Lizbeth qui occupait ses pensées, encore et toujours. Il poussa quelques humains sans brusquerie pour atteindre le bar et s'arrêta dans son mouvement, ma main encore posée sur une épaule dénudée de femme humaine, ne réalisant même pas qu'elle se retournait et lui adressait un charmant sourire. En fait, il venait de voir un fantôme ou c'était tout comme. Devant lui, aussi splendide que dans son souvenir si ce n'est plus, se tenait Lizbeth, fièrement assise au bar, domptant les hommes et femmes autour d'elle de son regard, de sa tenue, de sa grâce. Elle fixait quelque chose devant elle et ne le voyait pas lui. Edward crut qu'il hallucinait. C'était impossible. Et pourtant, ses yeux de vampires pouvant traquer n'importe quel détail dans le noir complet ne pouvait le trahir. Il n'avait pas prit des acides mais de la coke impossible d'avoir des hallucinations avec ça. Tremblant, il la fixait sans oser bouger de peur qu'au moindre de ses mouvements, elle s'envole et disparaisse.

C’était surréaliste. Lizbeth son ancien amour, celle qui avait disparu un jour sans laisser de trace, ni de mot d’adieu, il faut dire que quelques instants auparavant leur enfant l’avait menacé de le tuer, sans doute avait-elle voulu éviter une issue plus douloureuse. Edward aurait préféré l’issu douloureuse plutôt qu’à ce départ. Elle était partie avec leur enfant. Peu importe qui avait prit la décision, Lizbeth représentait la figure maternelle, ça aurait dû être à elle de raisonner leur enfant, pas de la suivre bêtement comme si elle devait choisir entre l’enfant et son compagnon. S’il lui en avait voulu ? Bien sûr ! Mais l’amour qu’il éprouvait pour elle s’en est retrouvé grandit par son absence au point qu’elle vienne hanté ses nuits et ses jours. Mais il s’était résout à l’idée qu’elle ne reviendrait pas. Passé les dix premières années c’était une évidence. Elle ne reviendrait pas. Il s’était fait à l’idée qu’elles devaient être toutes les deux dans un pays d’Europe ou carrément sur un autre continent. Même s’il n’avait jamais vraiment envisagé qu’elles étaient mortes toutes les deux, quelque part, c’était l’idée qui avait commencé à germer dans son esprit lorsqu’il avait compris que personne n’avait jamais entendu parler de ni de leur enfant ni de son grand amour. Et malgré tout ça, elle était là, devant lui. Complètement surréaliste. Surtout si on comptait sur le fait qu’elle n’était pas le genre à fréquenter les bars à vampires. C’est vrai que du temps où ils étaient ensemble, les bars à vampires ça n’existait pas, pas plus que le True Blood et les communautés de vampires ? On ne trouvait ça que dans les grandes villes d’Europe. Mais quand même, il était certain que Lizbeth n’irait jamais dans ce genre d’endroit où des humains se jettent à votre cou pour que vous leur suciez le sang, encore moins dans une tenue aussi aguicheuse.

Soit, elle avait pu changer, après tout, tout le monde change, mais quand même. Edward était bouche bée, enfin façon de parler, disons qu’il avait le regard étrangement fixe. Elle était en vie, enfin, vous me comprenez, et elle était dans le bar à vampire le plus chaud de la Louisiane, autrement dit, il aurait fait une crise cardiaque s’il avait été humain. Dieu merci, il ne l’était plus, humain. Que devait-il lui dire ? Que disais-t-on dans ce genre de situation ? Devait-il commencer en lui demandant pourquoi elle était partie sans un mot ? devait-il se montrer odieux avec elle ? l’insulter, laisser la colère rejaillir comme un fleuve qu’on aurait contraint à suivre un autre chemin ou devait-il la prendre dans ses bras, enfoncé son visage au creux de sa nuque et tout simplement pleurer de joie ? C’était peut-être des solutions un peu extrême et pour l’instant la surprise lui avait coupé le sifflet. Il entendit sa voix et brusquement il sentit la réalité le rattraper. « Edward... » C’était la voix d’un ange, songea-t-il tout en entendant à nouveau les bruits du bar, les humains criant autour de lui, poussant des cris de joies, hurlant comme le font tous les humains passé une certaine dose d’alcool, impossible d’entendre les vampires si silencieux comparés aux humains dans un tel brouhaha. Mais elle, il l’entendait parfaitement comme s’il avait branché sa radio directement sur sa fréquence. Cela faisait si longtemps qu’il ne l’avait pas entendu, c’était comme une vague de chaleur qui se répandait autour de lui, l’enveloppait. A cet instant, il comprit. Il ne l’engueulerait pas pour ce qu’elle avait fait, peut-être qu’ils auraient une discution à ce sujet, mais il resterait calme parce qu’il avait eut tout le temps pour lui pardonner ce qu’elle avait fait même si la question le taraudait encore. Il n’évoquerait pas ce sujet ici. Il ne la prendrait pas non plus dans ses bras, trop de choses restaient encore entre eux, trop de tensions étaient encore présente, mais il la regarderait avec ce regard plein d’amour parce qu’en cet instant la seule chose qu’il voulait, c’est qu’elle reste à jamais avec lui.

« Cela fait tellement longtemps. » Un véritable euphémisme, n’est-ce pas Lizbeth ? Edward n’avait pas eut l’habitude à ce que Lizbeth soit très franche, elle n’avait jamais été le genre à se montrer directe. C’est vrai que le tact était plutôt son genre, ça avait ses bons côtés mais pas forcément aux yeux de Edward. D’un autre côté, il comprenait qu’elle ne sache pas trop dire. C’est vrai quoi, elle l’avait quitté sans un mot, qu’elle n’avait jamais donné de nouvelle, et que ça faisait un bail. Si vous ajoutez le fait qu’elle ne s’attendait pas elle non plus à tomber sur lui, sans doute le croyait elle mort ou encore en Europe. Il avait à peu près le même problème. Par quoi commencer ? La question épineuse de où est notre enfant ? Ou devait-il se contenter de lui demander ce qu’elle avait fait depuis tout ce temps ? Lui aussi ignorait complètement comment s’y prendre. Observant son visage fermé et froid, elle semblait ne pas vouloir replonger dans le passé. Tant mieux, lui non plus n’était pas prêt à retomber dans ces vieilles histoires, du moins, pas dans l’immédiat. « Lizbeth, je ne m’attendais pas vraiment à te voir, encore moins ici. » C’était vrai, un peu bateau comme réplique, mais il était tout de même curieux de savoir pourquoi la vampire qui lui avait fait vivre l’enfer parce qu’elle se répugnait à boire le sang des humains, qui lui faisait des crises parce qu’il méprisait trop les humains, parce qu’il était trop cruel, était dans un bar à vampire. « Dis-moi, tu fréquentes souvent les bars à vampires ? » D’accord c’était plutôt direct, mais il n’avait jamais fait preuve du même tact que sa bien aimée.