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 eurydice et les étoiles.

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Eurydice O. Kirsikkanen
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MessageSujet: eurydice et les étoiles.   eurydice et les étoiles. I_icon_minitimeJeu 9 Juil - 22:14

les Papiers d'Identité
« Vos papiers s'il vous plaît. Simple contrôle de routine avant de prendre la mer! »


eurydice et les étoiles. 1qpe8o
(c) eurydice

prénom(s). eurydice orange michelle
nom(s). kirsikkanen. d'origine finlandaise, de kirsikka qui signifie cerise.
âge. dix-sept ans.
date et lieu de naissance. vingt-huit mai mille neuf-cent quatre-vingt douze à la nouvelle orléans.
race. humaine, tout simplement.
métier. lycéenne.

l'Existence est fragile
« Le voyage est court, alors essayons de le faire en première classe. Que dites vous d'un petit cocktail? »



le roleplay.
voir posts suivants.

un. eurydice à six ans. le jour où elle a vu les étoiles tout près de ses yeux.
deux. eurydice à seize ans. le jour terrible où elle est partie.
trois. eurydice loin. les pages déchirées du carnet d'exil sous le saule qui pleure.



la Fin du Voyage
« Nous sommes bientôt arrivés. Quel dommage, j'aurais aimé encore longtemps vous parler. Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin... »



prénom ou pseudo. eurydice vous suffira.
pays et région. france, entre savoie & bretagne.
âge. dix-sept.
célébrité sur l'avatar. scarlett johansson.
comment avez-vous débarqué ici. haha, tu sauras jamais.
fréquence de passage. 7/7 & 24/24 (ok faut pas exagérer quand même, j'espère dormir)
commentaire personnel. hé mec amène moi une bouteille de sang de wombat, première pression!


Dernière édition par Eurydice O. Kirsikkanen le Lun 13 Juil - 22:37, édité 9 fois
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MessageSujet: Re: eurydice et les étoiles.   eurydice et les étoiles. I_icon_minitimeJeu 9 Juil - 22:14

« c'est juste une enfant qui s'est perdue et a dérivé jusqu'au pays imaginaire où peter pan lui fait voir monts et merveilles. »

scarlett johansson ▬ i wish i was in new orleans
air ▬ playground love


Eurydice ne regardait pas toujours devant elle quand elle courait, jouait ou faisait du vélo. Alors elle était tombée beaucoup de fois et avait autant d'égratignures que de bleus sur les genoux, les bras et le visage. Ses parents auraient pu lui dire de faire attention, mais la petite fille avait tellement peu de souvenir du son de leur voix, qu'elle doutait qu'ils aient jamais eu la capacité de parler. Ils n'étaient pas souvent à la maison alors il la déposait chez les voisins jusqu'au jour où ils ne la déposèrent plus du tout. Elle était tombée tellement de fois dans l'escalier sans personne pour la rattraper qu'elle avait perdu la faculté qu'ont tous les enfants de crier et pleurer à grandes eaux quand ils se font mal. Ainsi, et cela peut sembler bien étrange, Eurydice était capable à six ans de se débrouiller dans la maison presque toute seule. Elle savait prendre dans le frigo les sandwiches, les yaourts, les fruits qu'on lui laissait, et parfois une gentille dame venait faire une tarte au pomme ou un poulet roti, ou parfois les voisins. Souvent, quand elle avait trop peur de dormir seule la nuit et que le vent soufflait trop fort dans la charpente, elle courait chez les voisins et venait se blottir sur le canapé, et souvent on la découvrait le matin endormie le pouce dans la bouche en plein milieu du salon. Alors elle faisait presque partie de la famille, et même si ses parents ne savait pas qu'elle y retournait sans leur autorisation, elle venait dès qu'elle le pouvait. Ce qu'elle aimait le plus dans cette famille, c'était quand la nuit, le plus grand s'accroupissait devant elle et la regardait dormir, et espérait chaque nuit ne pas tout à fait dormir à cet instant pour peut-être ouvrir les yeux, mais dès que ses paupières se soulevaient, l'idée même de sa présence s'envolait comme une plume portée par le vent.

Une nuit d'été, alors qu'une tempête plus forte que les autres devait sévir dans la Louisiane, elle avait pris son oreiller et son nounours comme autant d'autre fois et quitta la maison de ses parents en courant pour rejoindre celle de son cœur. Elle traversa le petit bosquet d'arbre pieds nus sans encombre mais quand elle arriva sur la pelouse du jardin une bourrasque de vent fit glisser son nounours dans sa main et il s'envola dans la tempête. Eurydice resta plantée debout sans plus oser bouger, sans qu'aucun son ne franchisse la barrière de sa gorge, sans qu'aucune larme ne franchisse la barrière de ses yeux. Deux peut-être dix minutes passèrent sans qu'un souffle de vent fasse tressaillir ses muscles, aussi figée que peuvent être les enfants qu'on arrache à eux-même. Et comme un souffle de vent doux et léger toucha sa main elle se laissa entrainée avec lui jusqu'à l'intérieur de la maison. Elle sembla se réveiller d'un rêve pour voir devant ses yeux celui qui s'y était jusqu'ici refusé. Il s'appelait Gabriel, comment elle le savait elle ne s'en souvenait plus, elle l'avait toujours su comme un chuchotement dans cette maison où elle transformait les nuits les plus froides en journées d'un chaud été. Elle était assise sur le canapé et il tenait sa main dans la sienne, elle n'avait pas vu la plaie qu'elle avait du se faire en courant entre les arbres, sur laquelle il passait maintenant un mouchoir qui picotait et lui donnait de petits sursauts. « Je suis désolé ça pique, mais si tu ne soigne pas cette égratignure ça va beaucoup saigner, et ça ne sera pas joli. » Eurydice n'avait jamais fait attention à ces blessures qu'elle se faisait, ou plutôt elle avait oublié qu'elle s'en faisait. « Mais c'est que tu as beaucoup de cicatrices! Qu'est-ce que tu fais pour tomber si souvent? » La petite fille pensa que le ton souriant sur lequel il avait prononcé cette question la dispensait d'y répondre, et elle ne savait pas quoi répondre. Elle marchait elle tombait elle s'éraflait elle se relevait elle marchait elle tombait encore et ainsi de suite. Si Eurydice restait si maladroite, nul doute que d'ici quelques années sa peau ne serait plus qu'un champ miné de cicatrices et de plaies béantes.

Alors que Gabriel s'était lancé dans la désinfection des plaies de ses jambes, les mots parvinrent enfin dans la bouche de la petite fille : « Il est parti mon nounours! C'est la tempête elle a fait ffffff et elle a volé mon nounours. » Gabriel leva la tête et même enfant, Eurydice fut un peu déroutée par le bleu irréel de ses yeux. « Oh, c'est triste ça. Mais ton nounours va pouvoir explorer le monde comme un oiseau, c'est pas joli ça? Il va voir le ciel d'en haut, et je suis sûr que quand tu sortira demain matin il te fera coucou de là-haut! » Un grand sourire aussi sincère et magnifique que peuvent le faire les enfants étira les lèvres de la petite fille. « Tiens, je vais t'emmener en trouver un autre au refuge des nounours! » Le sourire sur les lèvres d'Eurydice s'étira encore plus, si c'était encore possible. On ne lui avait jamais dit qu'il existait un refuge pour nounours mais elle était sure que c'était un endroit merveilleux, qui parvint totalement à lui faire oublier que son nounours s'était envolé dans une tempête. « Un refuge pour nounours? Et qu'est-ce qu'ils font là-bas? » « Eh bien, il récupère tous les nounours perdus, jetés par des méchants parents ou abandonnés par des méchants enfants et ils s'occupent d'eux avec du miel et des bonbons pour nounours jusqu'à ce qu'un gentil petit garçon ou une gentille petite fille comme toi ne vienne l'adopter. » Eurydice était tout à fait émerveillée, tant par le lieu féérique qu'on lui promettait que par tout ce que savait Gabriel qu'elle n'avait jamais soupçonné de connaître tout ce qui faisait son bonheur. « Et on peut y aller? » « Oui, bien sûr, ils n'attendent que toi! » « Tout de suite? » « Tout de suite! »

Gabriel alors se leva et prit Eurydice dans ses bras comme un petit enfant. Leurs regards pleins d'étoiles s'étaient croisés et il sembla à Eurydice qu'il n'existait dans le monde plus que des étoiles. Il détourna ses yeux ce qui lui sembla être une fraction de seconde plus tard, et la maison s'était changée en une immense fête foraine qui dans les yeux d'Eurydice qui n'en avait jamais vu crut que c'était là des petites maisons perdues dans la forêt ou les nounours dormait dans des grands abris de bois illuminés par des lucioles. Le bruit des manèges était un léger bruissement de feuilles et les hululements des hiboux. Les lumières criardes et clignotantes étaient le doux scintillement des étoiles dans le ciel. « Ne fais pas trop de bruit, tu pourrais les réveiller. » Eurydice garda se conseil et essaya de rester le plus silencieuse, pour ainsi se fondre dans les doux bruits de la forêt de son imagination, si belle dans les bras de Gabriel. Ils s'approchèrent des abris où les nounours dormait et Eurydice put entendre le souffle discret de leur respiration. « Alors, lequel tu veux? » Eurydice les regarda tous bien attentivement et désigna du doigt un plus petit que les autres qui avait les oreilles et le nez orange. La petite créature qui semblait si vivante se souleva lentement et vint se poser dans les bras de la petite fille qui n'en croyait pas ses yeux plein d'étoiles, et oublia d'en remercier celui qui l'avait amenée en cet endroit si merveilleux. « Alors, tu vas l'appeler comment? » « Je sais pas... » « Comment il s'appelait celui que tu avais avant? » Qu'il n'est pas eu de nom ou qu'elle en est déjà oublié l'existence, Eurydice resta muette. « Ah si! Il s'appelait Gabriel! Et lui il va s'appeler Gabriel aussi! » C'était de tous ces instants le seul nom dont elle se souvenait, et il lui semblait même que tout ce monde portait le nom de Gabriel, parce qu'elle avait tout oublié, et même son nom à elle par les étoiles que leurs yeux avaient échangées.

« Je vais t'emmener dans un autre très joli endroit! » Eurydice n'eut pas le temps de demander quel était cet autre endroit surement tout aussi merveilleux qu'ils étaient arrivés dans le terrain de jeu où elle venait jouer le jour, qui lui semblait être une immense plage de sable fin bordée par les vagues de la mer. Gabriel la laissa descendre marcher et courir Nounours Gabriel à la main. Elle se jeta sur une balançoire qu'elle voyait accrochée à un arbre tout face à l'immensité de la mer, et Gabriel vint doucement l'aider à aller de plus en plus haut jusqu'à ce qu'un petit cri vienne rappeler à la petite fille qu'elle avait un peu le vertige. Il arrêta le balancement de la balançoire et la prit une fois de plus entre ses bras. « Oh, je suis désolé, je t'ai fait peur en te poussant trop haut? » « Non, tout va bien! Je suis grande tu sais! J'ai six ans! » « Oh, mais oui, tu es très grande! » Il la laissa descendre et marcha sur la plage en la tenant par la main. « Et toi tu as quel âge? » «... J'ai juste seize ans. » Le petit temps qu'il avait mis à répondre n'exista pas pour Eurydice qui ne quittait plus son sourire émerveillé. Ils arrivèrent au bac à sable, où en chantonnant une chanson qu'elle n'avait jamais entendu, Eurydice entreprit de construire un château de sable, alors que Gabriel restait assis devant elle à la regarder. « Tu sais que tu as un joli prénom Eurydice? » L'ainsi dénommée lui sourit sans vraiment écouter ce qu'il disait. « C'est le prénom d'une très belle jeune fille, une princesse qu'un prince charmant et venu sauver jusqu'en enfer ou quelqu'un de très méchant l'avait enfermée. » Gabriel avait transformé le mythe terrible d'Orphée et Eurydice en un magnifique conte de fées pour enfants, comme il pensait que la petite fille voudrait voir sa vie, plus belle, beaucoup plus belle qu'elle ne l'était, et comme il voulait imaginer la sienne. « Alors qu'est-ce que tu construis? » « Je fais une graaaande maison, avec des grandes fenêtres, une grande porte et une petite porte pour le chien. La princesse habite dans la grande salle avec le petit lit, mais un jour une très méchante sorcière l'enferme dans une toute petite grotte qui sent mauvais sous la maison. Mais un prince avec les yeux bleus combat la sorcière et libère la princesse. Et ils vivent dans la grande salle avec un grand lit maintenant. » C'était une histoire merveilleuse, comme celle que Gabriel venait de raconter, et Eurydice aurait voulu qu'elle soit vrai, comme tout pouvait être vrai dans cette nuit aux étoiles. Il lui semblerait le lendemain que cela ne fut qu'un rêve, déjà quand sur la plage où elle avait fait une histoire de sable ses paupières s'alourdissaient, elle vit s'effacer le toucher, le sentir et la force de ce qu'elle avait vu pour qu'au petit matin où elle se réveilla, sur le canapé de la maison des Nielsen comme si elle y était arrivé la nuit dernière sans aucune encombre. Elle avait dans ses bras le Nounours Gabriel et dans ses yeux l'image vraie et qui ne s'échappait pas du grand Gabriel illuminé par les étoiles.



Dernière édition par Eurydice O. Kirsikkanen le Lun 13 Juil - 20:05, édité 7 fois
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MessageSujet: Re: eurydice et les étoiles.   eurydice et les étoiles. I_icon_minitimeJeu 9 Juil - 22:15

« ils savaient se parler sans même les sons. ils savaient s'aimer sans même le savoir. ils avaient le bonheur dans leurs sourires lumineux. mais la douleur rodait déja dans l'ombre de leurs regards. »

simon & garfunkel ▬ the sound of silence


Les paupières d'Eurydice papillonnaient et l'image intermittente du monde se faufila jusqu'à ses yeux. Elle aurait voulu dormir encore et encore, comme la belle au bois dormant que seul un prince pouvait réveiller. Si on prenait sa vie dans le sens de ce conte de fées, le prince charmant s'avérait être l'astre soleil dont les rayons brisaient l'obscurité sereine de son sommeil. Quand elle était plus jeune, elle adorait être réveillée par les premières lueurs de l'aube et contempler, assise dans l'herbe l'un des plus beaux spectacles de la nature, mais plus le temps avait passé plus elle avait voulu que le soleil se teinte de noir et cesse de la réveiller quand bon lui semblait. La lumière était synonyme de la fin de la nuit et du sommeil, elle qui finalement dormait si peu, et seulement chez ses voisins. Elle n'allait que très rarement dans la maison de ses parents, quand ils étaient là, quand elle voulait regarder des photos, quand elle n'avait rien d'autre à faire et que cette visite était la seule chose qui lui traversait innocemment l'esprit. Mais bien vite quand elle se retrouvait entre ses murs elle se sentait oppressée, terrifiée, rejetée par le souffle, la pierre et la charpente de cette maison, dont elle avait depuis toujours fuit le vide. Les pires moments étaient sans doute quand ses parents rentraient, à peu près une fois tous les deux-trois mois et parfois plus longtemps, elle devait alors faire semblant de s'intéresser juste un peu à eux, comme il devait faire semblant de s'intéresser juste un peu à elle. Ils lui faisaient des suggestions sur des activités qu'elle devrait faire pour s'occuper qu'elle et eux s'empressaient d'oublier. Elle avait même parfois peur qu'ayant tellement peu vu leur visage elle ne les reconnaisse pas, mais c'était la même chose de leur coté si bien qu'il est surement arrivé qu'ils se croisent sans le savoir. Mais Eurydice ne souhaitait pas plus que ça que sa relation à ses parents change, ils s'ignoraient magnifiquement, vivaient chacun de leur coté, avec pour seul chose en commun une maison désertée terrifiante et effroyablement vide. Et de toute façon, Eurydice avait tout ce qu'il lui fallait chez les voisins : un foyer, un feu, un lit, une famille, des amis. En grandissant elle avait fini par être dans la maison tout le temps, de jour comme de nuit, parce que c'était là qu'elle était heureuse.

Eurydice s'étira de tout son long sur le canapé-lit où elle avait encore dormi de travers. Quand elle était petite, elle n'avait bien sûr aucun problème à dormir dessus, mais maintenant que ses jambes semblaient vouloir s'étendre à l'infini de ses seize ans, ce lit d'enfant devenait trop petit pour elle. On lui avait bien proposé de prendre le lit de la chambre d'amis, mais Eurydice était trop attachée à ce lit où elle avait tant dormi, et aux souvenirs qu'il lui rappelait, entre tous, un regard plein d'étoiles posé sur elle au beau milieu de la nuit. C'était celui de Gabriel qui depuis qu'elle était venu s'endormir ici avait hanté ses jours comme ses nuits, d'abord l'idée fugace de ses yeux et de ses traits, puis depuis ce jour il y a dix ans où elle l'avait vraiment connu, le souvenir de ses yeux irréels et lumineux, comme ce qu'était son âme. Et puis il y avait eu tant d'autres souvenirs, des promenades nocturnes, des batailles de sable, de polochons, des nuits entières passées à regarder les étoiles et les étoiles filantes, et des jours entiers souriant de ces souvenirs, puis des sommeils entiers de magnifiques rêves. Un puissant mais bref mal de tête frappa Eurydice, alors qu'elle s'était assise pour étirer encore ses bras et ses jambes. Plaquant immédiatement ses mains contre ses tempes comme elle l'avait beaucoup fait, elle regarda encore ses souvenirs qui s'évanouissaient pour laisser place à cette image, à ce rêve qui ne voulait pas la quitter. C'était le visage de Gabriel, glacial et inexpressif comme elle ne l'avait jamais vu, qui fixait durement l'idée de ses yeux troublés par des larmes, et qui s'éloignait sans bouger, sans quitter ses yeux, alors qu'une terrible douleur prenait tout son corps. Depuis maintenant des mois, cette image revenait sans cesse, sans changer, dans les rêves d'Eurydice et dans ses jours, comme une obsession de son esprit. Peut-être voulait-il la mettre en garde contre ce visage qu'elle croyait plein d'étoiles et qui n'était peut-être au fond que glace. C'était peut-être autre chose, comme un rêve prémonitoire, mais Eurydice - ne le voulant ou ne le pouvant pas -, préférait ne pas même l'imaginer. Elle finit par se dire que c'était son esprit qui lui jouait un tour et n'en dit rien à Gabriel. Quelques nuits plus tôt pourtant, elle lui fit promettre : « Tu ne me feras jamais de mal, hein? Et tu ne me laisseras pas tomber? » « Qu'est-ce que tu veux dire par là? » « Rien. Promets-moi, c'est tout. » « Je te le promets. » « Et tu promets qu'on sera toujours ensemble et qu'on ne se quittera jamais? » « Je te le promets. » Alors Eurydice avait laissé reposer ses inquiétudes parce qu'elle était sûre, comme une enfant, qu'une promesse entre eux ne pouvait jamais être brisée.

La douleur s'effaça et Eurydice se leva pour aller à la cuisine préparer son petit déjeuner. Comme tous les matins un bol de céréales trempés dans le lait jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle n'aime pas le goût des céréales molles et décide de tout jeter à la poubelle pour finalement se blâmer d'un tel gaspillage. C'est juste au moment où, avec une moue boudeuse et déçue, elle remettait le lait de le frigo, qu'elle vit le post-it indiquant en lettres capitales que ses parents revenaient aujourd'hui. Elle avait bien sûr complètement oublié, comme elle s'était parfaitement installée comme toujours chez les Nielsen. Et bien sûr aussi elle n'avait pas fait le ménage dans la ''maison familiale''. Sans même prendre le temps de dire bonjour et au revoir à sa vraie famille, elle courut jusqu'à cette maison dans laquelle elle n'avait pas mis les pieds depuis peut-être un mois. « Et bien Eurydice, tu n'as pas vraiment bien tenu la maison dis-moi. » Trop tard, ils étaient déjà là, et comme à chaque fois, Eurydice aurait préféré qu'ils ne reviennent jamais. Il y avait de la poussière sur tous les meubles et sur la vaisselle dans l'évier. « Oh, je ne suis pas très bien ces dernières semaines, je n'ai pas eu la force de faire le ménage, désolé... » « Pourtant tu n'as pas passé la nuit ici... je me trompe? » « J'étais allée dormir chez une amie, chez... Lina, je me sentais un peu seule. » Eurydice aurait bien voulu continuer son numéro en disant qu'elle préférait de loin ne pas crever toute seule au beau milieu de cette maison abandonnée et sale, mais se dit que c'en était peut-être trop brutal et que cela pourrait mettre en danger la crédibilité de son histoire. Elle s'était habituée à mentir à ses parents comme ils s'étaient habitués à l'oublier, et chacun semblait s'en accommoder de son coté. Mais au fond d'elle tous ces faux sourires, ces faux mots, ces fausses paroles et ces fausses personnes l'exaspérait terriblement et en cet instant où ils étaient jetés devant ses yeux elle avait envie de les déchirer de les détruire d'enlever le masque de ce faux amour de cette relation malsaine qu'il y avait entre elle et ses parents. Mais à chaque fois elle ne faisait rien et gardait ses maux pour elle. De toute façon, qu'est-ce que ça aurait changé? Ça les aurait mis dans un tel état sans compter qu'elle n'aurait plus jamais osé se regarder en face. Elle ne voulait pas leur faire de mal, elle ne voulait jamais faire de mal à personne, même si c'était à ses parents, à ces gens qu'elle ne connaissait pas. « On est allés en Finlande tu sais, j'ai vu mes parents et je leur ai montré des photos de toi. » Comme elle était si peu attachée à eux, Eurydice en oubliait souvent le sang qu'il lui avait donné, les origines, les corps qui avaient forgé le sien. Son père était d'origine finlandaise, mais elle n'avait jamais montré aucun intérêt pour sa famille proche alors elle n'imaginait même pas chercher à connaître ses grands-parents, et eux non plus. Elle avait pourtant un peu d'intérêt, ou plutôt de la curiosité pour ce pays blanc et froid, où elle aimerait un jour aller, toute seule, sans personne, sans aller voir de la famille, juste pour sentir respirer le pays, la neige, et sentir où on avait planté des racines de son sang.

Comme à chaque fois qu'ils étaient là, Eurydice s'était assise sur la table de la cuisine, faisant semblant de manger quelque chose, plus occupée à rêver qu'à écouter les grandes diatribes de ses parents sur tout et n'importe quoi que chacun s'empresserait d'oublier. Eurydice fixait le jardin où la nature avait repris depuis longtemps ses droits, pour se laisser ce matin-là griller doucement par le soleil de la fin de l'été. Elle n'écoutait rien et ne voyait rien comme à chaque fois, laissant courir ses pensées, ses rêves et les images fugaces qui venait dans ses jours et ses nuits. Il y avait Gabriel bien sûr, lui qui depuis qu'il était entré dans sa vie ne pouvait plus imaginer en sortir. C'était son plus grand ami, son frère, comme si un lien plus fort que le sang les avait lié la nuit où il lui avait fait voir les étoiles. Il était différent de tout ce qui existait, plus merveilleux que le prince charmant et plus incroyable qu'un héros antique. Ils aimaient juste être l'un à coté de l'autre, à se serrer, se réchauffer, à juste exister. Toujours la nuit, toujours quand la lumière du soleil ne les éclairait plus, toujours quand seules les étoiles les regardaient. Et un jour elle l'avait su, au réveil sur le canapé. Elle l'avait su bien avant dans son sourire et dans les étoiles. Et quand il lui avait dit, elle le savait déjà, même si ils n'avaient jamais osés mettre un mot sur sa nature. Ils savait c'est tout, et alors n'avaient plus besoin des mots, de ces mots qui parfois peuvent blesser, briser la grâce d'un instant, où souvent manquer. Gabriel et Eurydice étaient heureux dans ces relations sans mots, dans cet amour simple et pur dans lequel ils avaient grandi. Quand Eurydice prenait des ans, des centimètres, et perdait chaque jour un peu plus la beauté de l'enfance, Gabriel gagnait en sagesse et s'enrichissait de tout ce qu'il vivait comme il voyait le temps défiler autour de lui sans toucher aux traits de son visage. Ils le savaient et n'avaient là non plus pas besoin des mots. Le silence était avec eux, même quand ils jouaient criaient et étaient heureux. S'ils avaient parlés, tout n'aurait surement pas été aussi beau, il y aurait eu de la tristesse et des larmes inutiles. Les mots font trop mal pour qu'on est besoin de les dire.



Dernière édition par Eurydice O. Kirsikkanen le Jeu 9 Juil - 23:38, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: eurydice et les étoiles.   eurydice et les étoiles. I_icon_minitimeJeu 9 Juil - 22:15

suite

the beatles ▬ yesterday


« Eurydice, on va t'envoyer dans un pensionnat dans le Maine. » Les mots de son père résonnèrent sur le cœur d'Eurydice comme une fausse note d'une voix d'opéra sur un verre en cristal. Comme toujours quand on vous annonce le pire, on n'y croit pas, on ne veut pas y croire. Mais au fond déjà la douleur terrible de la séparation déchirait déjà son cœur. On allait l'arracher à ce qu'elle était, ce qu'elle voulait, ce qu'elle aimait, pour une raison dérisoire. « On a décidé de prendre en main ton éducation. Il n'est plus possible que tu restes dans un tel lycée de seconde zone. Tu dois faire des études, avoir un bon métier et... » Elle n'écoutait déjà plus et ne regardait plus. Les larmes même n'osaient pas tomber car en cet instant elle n'arrivait même pas à voir ce que cette décision prise par des étrangers allait avoir comme dramatiques conséquences sur elle. Les paroles résonnaient, se choquaient contre elle et restaient là suspendues pour des jours et des années, comme les blessures laissées par un poignards qu'on faisait à son corps sans vie et qui ne cicatriseront pas. Elle n'avait jamais été tant blessée par ses parents et n'avait jamais été faible devant eux. Elle avait cru et s'était plu dans cette image de leur éloignement, de leur désintéressement que cette annonce lui était des plus inattendues. « Voilà ton billet d'avion, tu pars ce soir. » Eurydice sentait une once de compassion, la conscience de cette tristesse qu'ils causaient, dans la voix de sa mère, mais tout sonnait terriblement et affreusement faux. Elle aurait bien voulu se lever, leur jeter au visage qu'ils étaient injuste qu'ils ne la connaissaient pas n'étaient jamais là et cracher toute la haine et la douleur qui avaient été nourries en elle par leur absence, mais elle était incapable de bouger un seul muscle, de laisser couler une seule larme ou un seul mot. Elle était un arbre mort, subitement abattu par un bucheron. Et sa faiblesse la détruisait encore plus. Ils se levèrent finalement et la laissèrent là sur la table toujours aussi immobile et elle éclata en sanglots laissant échapper la terrible boule de douleur qui s'était cristallisée dans son ventre. C'était bien seulement en leur absence qu'elle se trouvait elle, qu'elle était laissée elle. Mais là même, par la peur qu'ils l'entendent, elle n'osait faire aucun bruit et pleurait dans le silence qui l'avait préservée jusque là de toutes les douleurs. Et les dernières paroles résonnèrent en elle, c'était qu'elle ne le reverrait pas, elle partirait juste à la nuit, et n'aurait dans ses souvenirs pour toujours que l'image de la nuit dernière. Une image un peu floue, une photographie qu'on a oublié de prendre et qui la hanterait bien longtemps. Elle ne pourrait pas le revoir une dernière fois lui dire au revoir et peut-être adieu. Une heure elle pleura et une heure après elle fixa la lumière du soleil dans le jardin, cette lumière qui l'empêchait de le revoir mais aussi donnait des reflets dorés qu'il n'avait jamais vu à ses cheveux, et des scintillements d'étoiles aux herbes et feuilles des arbres.

Enfin elle se leva et sans aucun mot dans sa chambre fit semblant d'emballer des affaires qui ne voulaient rien dire pour elle. Puis elle s'en alla faire un tour dehors et retourna chez les Nielsen qui n'étaient pas là. Elle déposa un papier et quelques mots sur le canapé : « Au revoir ou peut-être adieu » n'ayant pas la force ni le courage d'écrire plus. Elle avait toutes ses affaires dans une valise prête à partir quand elle se souvint de l'endroit que Gabriel lui avait montré une fois. C'était dans la cave, et elle y descendit précautionneusement, jusqu'au petit espace où il se reposait pendant le jour. Elle le regarda dormir peut-être une heure, peut-être deux, comme lui l'avait fait tant de fois les nuits où elle dormait sur le canapé. Son visage était paisible, serein, de la plus pure des beautés, et Eurydice souriait en se souvenant de toutes ces fois où elle l'avait vu. Et même si la terrible situation semblait s'en approcher, elle était sûre que ce n'était pas le visage qu'elle avait vu dans ses rêves. Dehors la lumière du soleil commença à décliner mais même si cela signifiait que Gabriel pourrait bientôt se réveiller, Eurydice ne pouvait rester plus longtemps. Elle approcha les lèvres de ce visage figé qui resterait dans ses souvenirs maintenant, et déposa un baiser sur son front, juste entre ses deux yeux alors que les larmes qui s'étaient depuis tout ce temps retenues, vinrent dans ses yeux et descendirent sur ses joues. Assise ou presque allongée contre lui, Eurydice eut envie de le serrer le plus fort dans ses bras, de frotter son visage contre le sien et de le sentir faire partie d'elle. Mais dans la retenue et la douleur qui l'immobilisaient, la jeune adolescente ne parvint qu'à serrer son visage contre le sien, et les quelques larmes qui coulaient sur ses joues se trempaient sur sa peau et ses lèvres. Alors que le temps filait à l'allure d'un cheval au galop et l'éloignait de plus en plus de lui, Eurydice ramena ses yeux fermés en face de ceux de Gabriel, et pour la première fois leurs lèvres se touchèrent, en cet instant unique où ils avaient tout deux seize ans, et après lequel ils ne se reverraient plus.

Et d'ailleurs les instants qui suivirent s'enchaînèrent devant Eurydice comme l'eau passe dans une rivière devant le cadavre d'une biche, sans que ni elle ni personne ne puisse rien y changer. Elle quitta la maison des Nielsen, celle des Kirsikkanen, le quartier, la ville, puis la Louisiane vers un endroit dont elle ne connaissait rien et n'avait jamais rien voulu connaître. Eurydice savait que ce pensionnant ne ferait qu'attiser la haine tacite qu'elle avait pour ces parents, qui la faisait souffrir, et elle s'en persuadait intentionnellement, et elle se jura de les faire souffrir autant en retour. Elle voyait déjà leurs visages atterrés devant la déchéance de leur fille unique qu'ils avaient laissée grandir toute seule et qu'ils auraient quand même voulue à leur image. Mais l'idée de la vengeance ne pouvait atténuer l'ineffable douleur que causait l'arrachement. Elle avait alors brisé la promesse que Gabriel lui avait faite, en quittant toute sa vie si vite et ne pouvait garder de lui que cette image belle et éternelle qui se mêleraient aux autres dans ses rêves, et seule la pensée de le revoir peut-être un jour parvenait à adoucir le mal et le tic-tac des aiguilles du temps qui frappaient sur son cœur. Et elle savait dans ce sourire que tout allait changer, que le passé pour toujours était révolu mordu battu et enterré profondément six pieds sous terre. Eurydice était à cet instant si fragile qu'on appelle le présent où son passé brûlait et son avenir se déchirait. Eurydice était au dessus des nuages et juste sous les étoiles, plus près d'elles qu'elle ne l'avait jamais été.



Dernière édition par Eurydice O. Kirsikkanen le Mar 14 Juil - 14:48, édité 4 fois
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Eurydice O. Kirsikkanen
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MessageSujet: Re: eurydice et les étoiles.   eurydice et les étoiles. I_icon_minitimeJeu 9 Juil - 22:15

« et les étoiles regardaient terrifiée la chute de leur petit ange jusqu'au fond de l'abîme qu'elles n'éclairent pas. »

pink floyd ▬ wish you were here
elliott smith ▬ the biggest lie


Je n'aime pas cet endroit. Je viens d'arriver que je ne l'aime pas et ne l'aimerais jamais. C'est grand trop grand trop froid trop vide trop vieux. Il y a trop de gens, trop de gens bien habillés bien coiffés bien pensants. Je vais devoir m'y faire. Je vais devoir me faire à la pluie aussi, parce qu'il pleut tout le temps, sans arrêt : le ciel normal ici c'est celui qui pleure.


Peut-être j'arriverais à m'y faire, hein? Je ne sais pas. Je trouve presque certaines personnes sympathiques, mais j'ai envie d'en étrangler tant d'autres, des grandes gueules, des gosses de riches. Et les cours changent du lycée de la Nouvelle Orléans, c'est vrai qu'on ne foutait pas grand chose. Je comprends que mes parents se soient mis à penser que j'allais mal tourner là-bas. C'est vrai qu'ici, on travaille, et apparemment ils veulent qu'on ne fassent que ça. Ouais ben, on verra, ça. Le parc du pensionnat –je devrais dire le château- est très beau, et je crois que c'est le seul endroit où je puisse être tranquille, même la nuit ou sous la pluie. Et j'adore déjà me mettre sous le saule pleureur avec ce carnet.


J'ai mal, terriblement mal. J'ai le mal de la Louisiane, de la maison, et de tous ceux que j'aime là-bas. Parce qu'ici je ne peux aimer personne. Le Maine est laid, atrocement laid. La Louisiane est loin, atrocement loin. J'ai tellement besoin de rentrer chez moi, de revoir Gabriel, Eve, la Nouvelle Orléans, le Mississipi et ses marais, les plages, de sentir ce vent chaud et d'entendre l'accent cajun. Comment, Comment puis-je vivre de mon corps ici alors que mon esprit et mes racines sont à des milles et des milles de là? J'ai été arrachée, déchirée par ces deux atroces figures qu'on m'a donné pour parents et qui se gardent bien de prendre mes nouvelles. Ma vraie famille et quelque part dans la banlieue de la Nouvelle Orléans, choquée par ce départ si bref et qui m'envoie des lettres auxquelles je n'arrive pas à répondre... J'aimerais tellement que ce jour n'est jamais existé, qu'il soit rayé comme ça du calendrier, et qu'on en parle plus jamais. Je ne serais pas partie alors, je serais toujours là, avec les miens, dans mon pays, dans ma campagne. Je n'aurais pas toute la douleur, les larmes et la haine.


Le jour je ne pense plus, j'essaie de ne plus penser, je laisse les autres rire de mon accent du sud, de mes expressions de paysan. La nuit je pleure en silence pour ne pas réveiller ni inquiéter les filles de la chambre. Le soir et le matin je vais sous le saule pleurer. C'est comme si je m'oubliais le jour et me retrouvais la nuit, comme avant, quand la nuit m'offrait le bonheur de voir Gabriel. Je crois que parmi toutes les images de la Louisiane c'est bien son visage qui est tout le temps là, en filigrane derrière toutes les autres. Son sourire, ses yeux, son air serein, je me damnerais pour les revoir! (enfin je ne devrais peut-être pas dire ça). Je ne me rendais pas compte à quel point je suis liée à lui, il est comme mon frère. C'est comme si on avait pris nos deux âmes dans une main et que tellement on avait serré elles étaient restées collées et entrelacées sans pouvoir jamais plus se séparer. Même s'il n'est pas devant moi, les souvenirs sont là et quand je les imagine, j'ai l'impression de les revivre. Mais ce ne sont que des souvenirs. Des souvenirs révolus. Et peut-être y en aura-t'il pas de nouveaux.


J'aimerais tellement pouvoir pleurer devant les autres, ce serait un signe de faiblesse peut-être, mais je n'aurais plus à faire semblant que tout va bien, que j'adore cette école de petits parvenus et cet État pourri. Mais je n'arrive pas, je ne veux pas déranger, je ne veux pas les ennuyer avec mes problèmes, je n'en vaut pas la peine. Et si je n'arrive pas à tout à fait être avec eux, c'est parce que je dois être moins là-bas. Mais je n'y arrive pas non plus. Je suis définitivement suspendue dans un gouffre entre deux mondes. Alors je reste là, je fais semblant que tout va bien. Pourtant j'ai trop souvent les larmes qui viennent, juste mouiller un peu mes yeux, sans raison, sans même avoir pensé à là-bas, juste pour me dire qu'elles sont là, et qu'elles ne m'oublient pas.


Je crois que j'oublie. C'est terrible de le dire mais j'arrive à ne plus penser. Je suis vide de sentiments, plus rien. Mon cœur s'est comme endormi. Je n'arrive pas ni ne veux le réveiller. C'est peut-être l'instinct de survie, parce qu'il faut bien que je me fasse à cet endroit. J'ai peur d'oublier. J'ai peur de ne pas revenir.


J'ai enfin réussi à écrire à Gabriel. J'ai mis cinq mois. C'est tellement long. J'ai à peu près guéri ma blessure, ou elle a juste gelé pour ne plus faire mal. Je n'ai même pas réussi à dire grand chose. Je ne savais pas comment lui dire, je ne savais pas quoi lui dire. En fait j'ai peur de lui écrire. Encore plus maintenant que j'ai trop tardé. Alors je me suis dit que si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferais jamais, et je le perdrais pour toujours. Je ne veux pas le perdre. Et je ne veux pas perdre le chemin de la maison.


Ça y est je me remets à pleurer. Je hais les gens, je les déteste, je voudrais les éventrer, arracher leurs yeux, déchirer leurs beaux vêtements. Je voudrais aussi m'écarteler, me planter un poignard dans le cœur. Mais je ne peux pas. Je ne fais que regarder, les yeux tremblant, le sang bouillonnant. Je dois rentrer chez moi. Par tous les moyens possibles. Je ne peux plus rester là. Mais je ne sais même pas comment faire.


Je sombre, doucement dans un terrible abîme, noir, où j'ai cru voir la lumière de la maison.


L'administration me déteste, ça y est. Ils n'ont pas dû aimer que je m'enferme dans cette salle juste à pleurer et regarder les photos du pays natal sur l'écran géant. Je m'en fous. Je voulais les voir et n'avais pas d'autre moyen. Je voulais les emmerder aussi je crois.


J'ai rendez-vous chez le directeur. Génial. Toute seule devant le monstre. Parce que j'ai saccagé la chambre. Ouais j'ai tout cassé déchiré jeté contre les murs par les fenêtres. Et je riais et je pleurais. J'étais triste et enfin heureuse. J'étais chez moi, je faisais ce que je voulais, j'étais où je voulais, n'importe où et chez moi. Soit je vais mourir, soit je vais être renvoyée. C'est ça que je voulais, je le sais.


Je rentre. Je rentre. Je rentre. J'ai envie de l'écrire un million de fois. J'en pleure, j'en ris, j'en souris. J'aurais passé un an ici, j'aurais aimé détesté pleuré cassé. Je suis heureuse. Je sais que je vais me prendre un sacré savon par mes parents, juste après celui du directeur, j'ai bien failli pleurer parce que c'est horrible de se faire crier dessus. Mais je le sais maintenant jamais je ne ferais ce qu'on me dit de faire. Jamais je n'entrerais dans ce monde bien rangé qu'on me montre. J'irais où je veux. J'irais en Louisiane. J'irais les revoir et vivre juste avec eux pour toujours, jusqu'à la mort. Je serais juste enfant, voilà. Je crèverais la dalle mais je m'en fous. Je ferais ce dont j'ai envie, c'est tout. Je vivrais.

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